Le nouveau propriétaire du terrain voisin remet en cause la légalité d’une fenêtre donnant sur son jardin ? Ou bien votre voisin vient d’agrandir sa maison et une nouvelle ouverture s’ouvre soudainement avec vue sur votre terrasse ?
La question des vues entre propriétés voisines est très fréquente lors de projets de construction, d’extension ou de vente immobilière. La loi encadre strictement ces situations afin de préserver l’intimité et les droits de chacun.
En droit civil, les vues sont définies comme des ouvertures ordinaires non fermées ou pourvues de fenêtres, qui peuvent s’ouvrir, laisser passer l’air et permettre d’apercevoir le fonds voisin.
Outre les fenêtres, sont également concernés par assimilation, les balcons et les terrasses, sous réserve qu’elles soient attenantes au bâtiment et accessibles depuis celui-ci.
Le Code civil distingue deux types de vues :
• Les vues droites lorsqu’on peut apercevoir le fonds voisin sans se pencher ni tourner la tête ;
• Les vues obliques lorsqu’il faut se pencher ou tourner la tête pour apercevoir la propriété voisine.
Cette distinction est importante, car les distances légales diffèrent :
• Pour une vue droite, une distance d’au moins 1,90 mètre doit séparer le mur comportant l’ouverture du terrain voisin (article 678 du Code civil).
• Pour une vue oblique, la distance minimale est de 0,60 mètre (article 679 du Code civil).
Ces distances se mesurent à partir du parement extérieur du mur ou, le cas échéant, du bord du balcon ou de la terrasse jusqu’à la limite séparative des deux propriétés (article 680 du Code civil).
La jurisprudence précise que ces dispositions s’appliquent également aux terrasses, plates-formes ou exhaussements de terrain, et uniquement entre propriétés appartenant à des propriétaires distincts.
Si les distances légales ne sont pas respectées, le voisin lésé peut saisir le tribunal judiciaire pour demander la suppression des vues irrégulières. Les juges du fond statuent souverainement sur la suppression des vues irrégulières (Cass. civ. 3ème, 19 février 1971, n°69-13.210). Ils peuvent ordonner la suppression ou la mise en conformité des vues avec les dispositions légales.
L’action en suppression des vues irrégulières se prescrit par trente ans (Cass. civ. 3ème, 12 novembre 1975, n°74-11.848).
Même si les distances légales sont respectées, une ouverture peut parfois causer un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Le trouble anormal de voisinage peut notamment consister en une perte d’intimité (voir en ce sens CA de Chambery, 9 mars 2023, n°21/01010)
Les conditions d’une telle action ont été détaillées dans un précédent article.
Créer ou modifier une ouverture donnant sur la propriété voisine n’est pas anodin. Avant tout projet, il est essentiel de vérifier :
• les distances légales imposées par le Code civil,
• la présence éventuelle d’une servitude de vue,
• et les conséquences possibles sur la vie privée du voisin.
En cas de doute, l’accompagnement d’un avocat en droit de l’urbanisme et de la construction permet d’éviter les litiges et de sécuriser durablement votre projet.