Le Conseil d’Etat juge que les « cahiers de recommandations architecturales » sont opposables aux demandes d’autorisations d’urbanisme sous certaines conditions (CE, 2 juin 2023, SCI du 90-94 avenue de la République, n°461645, Lebon).
Le Conseil d’Etat était appelé à se prononcer sur une question qui se pose fréquemment en pratique : l’opposabilité des cahiers ou recueils de recommandations architecturales et autres documents apparentés.
Ces documents, souvent annexés au règlement du PLU, posent la question de leur opposabilité aux demandes d’autorisations d’urbanisme.
L’article L.152-1 du code de l’urbanisme prévoit en effet que les travaux doivent être conformes au règlement et aux documents graphiques du PLU. Il n’est pas fait mention de ces documents.
Le Conseil d’Etat tranche en faveur de leur opposabilité sous certaines conditions :
“(…) 10. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le règlement du plan local d’urbanisme renvoie à un « cahier de recommandations architecturales », adopté selon les mêmes modalités procédurales, le soin d’expliciter ou de préciser certaines des règles figurant dans le règlement auquel il s’incorpore. Un tel document ne peut toutefois être opposé aux demandes d’autorisation d’urbanisme que s’il y est fait expressément référence dans le règlement et que ce cahier se contente d’expliciter ou préciser, sans les contredire ni les méconnaître, des règles figurant déjà dans le règlement. (…) » (CE, 2 juin 2023, SCI du 90-94 avenue de la République, n°461645, Lebon).
Pour qu’un cahier de recommandations architecturales soit opposable aux demandes d’autorisations d’urbanisme, trois conditions cumulatives doivent donc être réunies :
Le document doit avoir été adopté dans les mêmes conditions que le règlement, c’est-à-dire, selon les modalités prévues par les articles L.153-1 et suivants du code de l’urbanisme.
Il doit en cela constituer une “composante du règlement” (conclusions Nicolas AGOUX sur CE, 2 juin 2023, précité). Pour être opposable, le document doit ainsi être annexé au règlement du PLU, et non seulement annexé au PLU.
Le rapporteur public souligne “(…) que cette annexe, à laquelle le corps du règlement doit renvoyer expressément, ne se distingue pas organiquement de ce dernier dont elle doit être conçue comme une partie intégrante (…)” (conclusions Nicolas AGOUX).
Précisons sur ce point qu’il faut bien distinguer ces documents des “chartes promoteurs” ou apparentées qui définissent des préconisations ou engagements à destination des pétitionnaires en sus des règles du PLU. Leur opposabilité fait a priori défaut puisque ces chartes :
Raison pour laquelle le Tribunal administratif de Rouen a récemment annulé une délibération portant approbation d’une charte d’urbanisme (TA Rouen, 26 janvier 2023, n°2202586).
Cette condition “suppose que le PLU ne laisse place à aucune ambiguïté sur le caractère opposable du cahier” (conclusions Nicolas AGOUX).
A titre d’exemple, dans l’espèce jugée par le Conseil d’Etat, le cahier de recommandations architecturales indiquait que « Ce document est un complément qualitatif indispensable au PLU et à son règlement.”
Les juges en ont déduit que les auteurs du PLU avaient entendu le rendre opposable aux demandes d’autorisation d’urbanisme.
Si le règlement indique que le document annexe n’a qu’une valeur pédagogique, qu’il n’a pas de portée prescriptive ou de valeur réglementaire, il n’est donc pas opposable aux demandes d’autorisations d’urbanisme.
Il convient dès lors de distinguer ce type de document des « bonnes pratiques » qui ne sont pas opposables aux demandes d’autorisations d’urbanisme, ainsi que le souligne le rapporteur public :
“ces prescriptions doivent être rédigées en des termes impératifs, afin de bien les distinguer des documents à visée pédagogique fréquemment diffusés par les collectivités pour guider les pétitionnaires à titre de « bonnes pratiques », par exemple en termes de matériau à utiliser, mais, comme l’explicitent souvent opportunément leurs auteurs, sans avoir force réglementaire.” (conclusions Nicolas AGOUX).
Dans certaines hypothèses où le règlement est plus ambigu, cette condition sera plus difficile à apprécier. Il conviendra donc de s’y attarder au cas par cas.
Reste qu’en cas de doute, l’opposabilité du document devrait être écartée puisque, comme l’a souligné le rapporteur public, cette opposabilité “suppose que le PLU ne laisse place à aucune ambiguïté sur le caractère opposable du cahier” (conclusions Nicolas AGOUX).
Précisons que, là encore, les “chartes promoteurs” ne peuvent être opposées aux demandes d’autorisations d’urbanisme puisque, soit elles ne sont pas prescriptives et ne sont donc pas opposables, soit elles se veulent prescriptives et sont illégales, n’ayant pas été adoptées selon les mêmes modalités procédurales que le règlement.
Selon cette dernière condition, le document ne peut que préciser ou expliciter la portée des prescriptions du règlement.
A titre d’exemple, dans l’espèce jugée par le Conseil d’Etat, le cahier de recommandations architecturales indiquait venir compléter les prescriptions du règlement et précisait que “En cas de doute sur l’interprétation d’une disposition, c’est le règlement qui prévaut.”
Ces documents ne peuvent donc prévoir de nouvelles règles d’urbanisme.
Là aussi, l’opposabilité des “chartes promoteurs” fait donc défaut puisque, outre le fait que les conditions précédentes ne sont pas réunies, il ne peut y avoir de règles nouvelles dans un document annexe.
L’opposabilité aux demande d’autorisations d’urbanisme des « cahiers de recommandations architecturales » et documents apparentés est loin d’être systématique.
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