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Précisions sur l’exercice d’un recours en contestation de la validité d’un contrat par un titulaire d’un accord-cadre multi-attributaires à bons de commande

24
/
11
/
2023
par
Hélène Saunois
Chapitres

En l’espèce, l’association Imedi est l’un des trois attributaires d’un accord-cadre à bons de commande portant sur des prestations d’interprétariat et de traduction au bénéfice du CHU de Bordeaux.

L’offre de l’association Imedi n’a été retenue qu’en troisième position, derrière la société Tradilibre et l’association MEDIMMS interprétariat.

L’accord-cadre prévoyait l’attribution des bons selon la méthode dite « en cascade » qui consiste à faire appel en priorité aux titulaires les mieux-disants.

Autrement dit, lorsque l’acheteur souhaite émettre un bon de commande pour une prestation, il doit d’abord solliciter l’attributaire classé en première position et si celui-ci n’est pas en mesure de répondre, il doit d’adresser à l’attributaire classé en deuxième position. Le troisième attributaire n’est contacté que si ces deux opérateurs ne peuvent pas assurer la prestation.

C’est dans ce contexte que l’association Imedi a formé devant le TA de Bordeaux, un recours en contestation de la validité de l’accord-cadre, en tant qu’il a été attribué aux deux autres opérateurs.

Par un jugement avant-dire droit en date du 12 mai 2023, le TA de Bordeaux a, par application des dispositions de l’article L.113-1 du code de justice administrative, saisi le Conseil d’État pour avis en lui soumettant les deux questions suivantes :

« 1°) Appartient-il au juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens par l’un des titulaires d’un accord-cadre multi-attributaire à bons de commande, notamment dévolus par une méthode dite  » en cascade « , de prononcer l’annulation ou la résiliation de cet accord-cadre en tant qu’il a été conclu avec un ou plusieurs de ses autres titulaires, alors qu’une telle annulation ou résiliation aurait pour effet de ramener le nombre des titulaires de cet accord-cadre à un nombre inférieur à celui fixé en vertu des dispositions du règlement de la consultation publié pour la passation du contrat en litige voire à aboutir à ce que seul l’un de ses titulaires en assure l’exécution ‘

2°) Les irrégularités constatées par le juge du contrat saisi d’un recours en contestation de la validité d’un accord-cadre multi-attributaire formé par l’un de ses titulaires, alors même qu’elles ne porteraient que sur la candidature ou sur l’offre de l’un de ses titulaires, peuvent-elles le conduire à prononcer l’annulation ou la résiliation totale de l’accord-cadre en litige »

Cette demande d’avis contentieux pose en réalité la question de la recevabilité du recours de l’un des titulaires de l’accord-cadre en contestation de la conclusion d’un contrat avec un autre attributaire.

Dans ses conclusions, Monsieur Nicolas LABRUNE, rapporteur public sous cette décision, revient sur la nature d’un accord-cadre multi-attributaires à bons de commande.

A cet égard, il propose de considérer qu’il y a « derrière un instrumentum unique, plusieurs ensembles distincts d’obligations contractuelles réciproques, de sorte que l’accord cadre doit être regardé comme composé en réalité de plusieurs contrats conclus chacun avec un opérateur » (Conclusions Monsieur Nicolas LABRUNE, rapporteur public).

L’accord-cadre à bons de commande doit ainsi être regardé comme composé d’autant de contrats qu’il y a d’attributaires, « ces contrats n’étant liés que par les modalités de leur exécution, qui sont toutes régies par la méthode de répartition des bons de commande choisie (par exemple en « cascade » ou à tour de rôle) » (Conclusions Monsieur Nicolas LABRUNE, rapporteur public).

Pour répondre aux questions soulevées devant le Conseil d’État, le rapporteur public propose de retenir que « l’accord-cadre multi-attributaires est la forme unique que prennent plusieurs contrats distincts » (Conclusions Monsieur Nicolas LABRUNE, rapporteur public).

Dans sa décision en date du 24 novembre 2023, le Conseil d’État rappelle le considérant de principe de la jurisprudence « Tarn-et-Garonne » (CE, 4 avril 2014, req. n°358994) :

« Tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. »

En réponse à la première question posée par le TA de Bordeaux, le Conseil d’État indique que :

« Lorsqu’un accord-cadre est conclu avec plusieurs opérateurs économiques, chacun de ses titulaires doit être regardé, pour l’exercice de l’action en contestation de la validité du contrat, comme un tiers à cet accord en tant que celui-ci a été conclu avec les autres opérateurs. »

Ainsi, « saisi par l’un des titulaires d’un recours en contestation de la validité de l’accord-cadre en tant qu’il a été conclu avec d’autres opérateurs économiques » et si les conditions de recevabilité posées par la jurisprudence « Tarn-et-Garonne » sont satisfaites, « le juge du contrat peut prononcer, le cas échéant, la résiliation ou l’annulation de cet accord en tant qu’il a été attribué à ces autres opérateurs dès lors qu’il est affecté de vices qui ne permettent pas la poursuite de son exécution. »

Il considère à cet égard que :

« La circonstance qu’une telle annulation ou une telle résiliation aurait pour effet de ramener le nombre des titulaires de cet accord-cadre à un nombre inférieur à celui envisagé par le règlement de la consultation est sans incidence sur la possibilité pour le juge de la prononcer. »

A la seconde question posée par le TA de Bordeaux, le Conseil d’État précise que :

« Lorsqu’il est ainsi saisi de conclusions contestant la validité de l’accord-cadre en tant qu’il a été conclu avec certains opérateurs économiques, le juge du contrat ne peut prononcer la résiliation ou l’annulation de l’accord-cadre dans son ensemble. »

Prononcer la résiliation ou l’annulation de l’accord-cadre dans son ensemble, alors que le juge est saisi de conclusions contestant la validité de l’accord-cadre en tant seulement qu’il a été conclu avec certains opérateurs économiques reviendrait à statuer ultra petita.

Or, comme évoqué précédemment, dans le cadre d’un accord-cadre multi-attributaires, il y a lieu de considérer la présence de plusieurs contrats distincts. « Le juge ne saurait donc aller au-delà des conclusions dont il est saisi en annulant ou résiliant un contrat qui, en réalité, n’est pas contesté » (Conclusions Monsieur Nicolas LABRUNE, rapporteur public).

En conclusion :

    Pour l’exercice de l’action en contestation de la validité du contrat, les titulaires d’un accord-cadre multi-attributaires disposent de la qualité de tiers à cet accord «
    en tant que celui-ci a été conclu avec les autres opérateurs
    » ;Ils sont recevables à contester la validité de cet accord-cadre en tant qu’il a été attribué à d’autres opérateurs, à condition de remplir les conditions posées par la jurisprudence « Tarn-et-Garonne » ;Dès lors que l’accord-cadre est affecté de vices qui ne permettent pas la poursuite de son exécution, sa
    résiliation ou son annulation ne saurait être prononcée dans son ensemble mais seulement en tant qu’il
    a été attribué à d’autres opérateurs ;La circonstance qu’une telle annulation ou une telle résiliation aurait pour effet de ramener le nombre des titulaires de cet accord-cadre à un nombre inférieur à celui envisagé par le règlement de la consultation est sans incidence sur la possibilité pour le juge de la prononcer.

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