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Qu’est-ce qu’un terrain enclavé ?

23
/
12
/
2025
par
Hélène Saunois
Chapitres

Vous souhaitez acheter un terrain, mais celui-ci ne dispose d’aucun accès direct à la voie publique ? Vous êtes propriétaire d’une parcelle qui ne dispose que d’un accès piéton et vous souhaitez y accéder en voiture ?

Ces situations, fréquentes en pratique, correspondent à ce que le droit qualifie de terrain enclavé.

L’enclavement peut avoir des conséquences majeures sur l’usage du bien, la réalisation d’un projet de construction ou encore la valeur du terrain. Il soulève également des enjeux juridiques importants.

La situation du terrain enclavé est expressément prévue par l’article 682 du code civil, aux termes duquel :

« Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner ».

Concrètement, le code civil reconnaît au propriétaire d’un terrain enclavé le droit d’obtenir un passage sur les fonds voisins, dès lors que l’accès existant à la voie publique est inexistant ou insuffisant pour permettre une utilisation normale du terrain.

Hypothèse n°1 : aucune issue sur la voie publique

Sera considéré comme enclavé, le fonds qui n’a sur la voie publique aucune issue. Autrement dit, l’état d’enclave ne sera pas caractérisé si le fonds dispose d’un accès à la voie publique.

L’accès en question peut être direct. Il a ainsi déjà été jugé que la parcelle débouchant « sur un chemin désormais classé dans le domaine public communal » dispose d’un « accès sur la voie publique » (Cass. civ. 3ème, 25 novembre 2008, n°08-10.018).

L’accès peut également être indirect. Il est constant que n’est pas enclavé, un fonds dont l’accès à la voie publique est réalisé par l’intermédiaire d’une servitude passage conventionnelle.

Hypothèse n°2 : une issue insuffisante sur la voie publique

Lorsque le fonds présente déjà une issue sur la voie publique, il appartient à son propriétaire qui estime être en situation d’enclavement de démontrer que l’issue en cause est insuffisante (Cass. civ. 3ème, 23 janvier 2020, n° 18-24.122).

L’état d’enclave est apprécié au regard du caractère insuffisant du passage existant sur la voie publique et de l’utilisation normale du fonds.

Appréciation du caractère insuffisant à la voie publique

Le fait qu’une parcelle soit inconstructible ne fait pas obstacle, en soi, à la reconnaissance d’une servitude légale de passage pour cause d’enclavement.

Dans une telle hypothèse, il appartient au juge d’apprécier si le terrain dispose d’une issue sur la voie publique suffisante pour assurer sa desserte normale.

Quand l’état d’enclave peut-il être retenu ?

L’état d’enclave est caractérisé lorsque le fonds est séparé de la voie publique par un passage impraticable, nécessitant la réalisation de travaux importants pour être utilisé conformément à sa destination.

À l’inverse, l’enclavement ne saurait être retenu en présence d’une simple gêne ou incommodité du passage existant.

De même, lorsque les difficultés d’accès peuvent être corrigées facilement, sans travaux complexes ni coûts excessifs, l’état d’enclave est écarté.

Ainsi, un chemin d’exploitation pouvant être aisément remis en état et rendu carrossable par des travaux légers n’est pas constitutif d’un enclavement (Cass. civ., 13 mai 2009, n° 08-16.936).

En revanche, l’enclavement est reconnu lorsque l’aménagement d’un accès impose des travaux lourds, tels que l’arrachage d’arbres ou un important déblaiement de terres, susceptibles de déstabiliser les terrains (Cass. civ. 3ème, 4 février 2014, n° 12-26.451).

Une appréciation tenant compte des contraintes juridiques et administratives

Au-delà de la configuration physique du terrain, l’insuffisance de l’accès doit également être appréciée au regard des contraintes juridiques et administratives pesant sur le fonds.

Ainsi, lorsque la voie d’accès existante présente une largeur inférieure à celle exigée par le document d’urbanisme applicable, l’enclavement est caractérisé (Cass. civ. 3ème, 9 juin 2015, n° 13-28.228).

En revanche, lorsque le document d’urbanisme ne fixe aucune largeur minimale, se contentant d’exiger des caractéristiques techniques suffisantes, l’appréciation de l’enclavement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Appréciation jurisprudentielle de la largeur de l’accès

La jurisprudence a ainsi pu considérer comme insuffisant l’accès à un fonds desservi par une sente communale non viabilisée, d’une largeur moyenne de 3 mètres (variant entre 2,5 et 3,5 mètres), ne permettant ni le croisement des véhicules, ni leur retournement, rendant la circulation dangereuse et compromettant l’accès des secours.

Il ressort toutefois de la jurisprudence :

- qu’un passage d’une largeur minimale d’environ 3 mètres peut, dans certaines configurations a été jugé suffisant pour assurer un accès suffisant à la voie publique ;

- qu’un passage d’une largeur inégale limitée à 2,84 mètres, comportant des coudes importants, se terminant en impasse et dépourvu d’aire de retournement a été jugé insuffisant pour permettre l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie, indépendamment de toute précision du document d’urbanisme ;

A l’opposé, la desserte d’un fonds par un chemin d’exploitation privé d’une largeur minimale de 3 mètres sur une portion, puis de 5 mètres sur le reste du tracé, a été jugée suffisante dès lors qu’il ne desservait qu’un nombre limité de constructions et n’entraînait pas d’augmentation significative du trafic.

Il en a été jugé de même pour une voie en impasse à double sens de circulation, d’une largeur comprise entre 3,5 et 5 mètres, ne présentant aucune difficulté particulière de visibilité, ou encore pour un fonds desservi par un chemin de 6,60 à 8 mètres puis par un second chemin d’une largeur comprise entre 4 et 6 mètres.

Appréciation de l’usage normal du fond

La desserte doit s’apprécier en fonction de l’exploitation de la parcelle enclavée et des moyens nécessaires à celle-ci (Cass. civ. 3ème, 17 décembre 2013, n° 12-26.052).

L’état d’enclave est considéré comme caractérisé dès lors qu’un bien ne dispose pas d’une desserte suffisante, pour une utilisation normale (Cass. civ. 3ème, 5 avril 2018, n° 17-16.294).

Un accès piéton n'est pas suffisant pour assurer l'utilisation normale d’un fonds à usage d'habitation.

A l’inverse, l’accès par un véhicule automobile correspond à l’usage normal d’un fonds destiné à l’habitation (Cass. civ. 3ème, 14 janvier 2016, n°14-25.089 ; Cass., civ. 3ème, 16 mars 2017, n° 15-28.551).

Il est précisé que l’accès véhiculaire répondant à l’usage normal d’un fonds recouvre différents types de véhicules et notamment les véhicules de petit gabarit mais aussi les véhicules de secours de type camion de pompiers, ambulance, camionnette de dépannage ou de livraison, lesquelles peuvent présenter un certain gabarit.

Exclusion de l’état d’enclave en cas d’entrave volontaire

Le droit de la servitude de passage légale induit par la reconnaissance de la matérialité de l’enclave peut être exclu en cas d’entrave volontaire.

Ainsi, l’obtention d’une servitude de passage en cas d’enclave au sens de l’article 682 du code civil est exclue lorsque la suppression de l’accès à la voie publique résulte du fait personnel du propriétaire du fonds concerné.

La Cour de cassation juge de manière constante que l’intéressé ne saurait se prévaloir d’un droit de passage pour cause d’enclave dès lors qu’il a lui-même obstrué l’issue lui donnant accès à la voie publique.

Conclusion

La détermination de l’état d’enclave d’un terrain peut s’avérer capitale, que ce soit pour faciliter la réalisation d’un projet de construction, pour valoriser la vente d’un bien ou pour sécuriser juridiquement l’usage du fonds.

Avant d’engager toute démarche, il est donc essentiel de procéder à une appréciation précise de la situation afin de déterminer si la parcelle est réellement enclavée. Cette étape préalable permet d’identifier les droits existants, d’évaluer les solutions possibles (droit de passage, aménagements nécessaires) et d’anticiper les éventuels litiges ou coûts associés.

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