Après avoir rappelé les conditions permettant de caractériser la fraude et le retrait d’un permis de construire frauduleux, le Conseil d’Etat confirme les conditions auxquelles le juge administratif peut annuler le refus de retirer un tel permis de construire (CE, 20 novembre 2024, société Jardin Catalan, n°474904).
Un permis de construire ne peut en principe être retiré que s’il est illégal et dans un délai de trois mois suivant sa délivrance (article L.424-5 du code de l’urbanisme).
Son retrait est de plus soumis au respect d’une procédure contradictoire préalable (article L.121-1 du CRPA).
Un permis de construire peut cependant être retiré à tout moment lorsqu’il a été obtenu par fraude (article L.241-2 CRPA ; CE, 5 février 2018, n°407149).
Ce que rappelle le Conseil d’Etat au cas présent :
“(…) 5. En premier lieu, un permis de construire ne peut faire l’objet d’un retrait, une fois devenu définitif, qu’au vu d’éléments dont l’administration a connaissance postérieurement à la délivrance du permis et qui établissent l’existence d’une fraude à la date où il a été délivré. (…)” (CE, 20 novembre 2024, société Jardin Catalan, n°474904).
Un permis de construire obtenu par fraude peut donc être retiré à tout moment.
Pour être caractérisée, la fraude suppose la réunion de deux éléments : un élément intentionnel et un élément matériel.
S’agissant de l’élément matériel, il faut que le pétitionnaire ait procédé “à des manœuvres de nature à tromper l’administration sur la réalité du projet (…) ” (CE, 21 novembre 2012, n°350684).
Ce que rappelle également le Conseil d’Etat :
“(…) La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l’administration sur la réalité du projet dans le but d’échapper à l’application d’une règle d’urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s’étant livré à l’occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l’administration. (…)” (CE, 20 novembre 2024, société Jardin Catalan, n°474904).
Tel est notamment le cas lorsque le pétitionnaire n’informe pas correctement l’administration sur les modifications apportées au profil du terrain et que ces modifications contreviennent à une règle d’urbanisme.
Au cas présent, le projet était concerné par un plan de présentation des risques d’inondation interdisant tout remblaiement nouveau, sauf exceptions.
La demande de permis de construire ne mentionnait pas le profil en pente du terrain et n’indiquait pas que des mouvements de terres seraient effectués. Le pétitionnaire ayant par la suite effectué des travaux de nivellement.
L’administration n’avait donc pas pu apprécier la nature et la portée du projet au regard du risque d’inondation et les omissions du dossier de demande de permis de construire étaient caractéristiques d’une fraude.
Le Conseil d’Etat rappelle enfin que, dans le cas d’un permis de construire obtenu par fraude, tout tiers ayant intérêt à agir peut demander à l’administration d’abroger ou de retirer ce permis de construire.
En cas de refus, il peut introduire un recours en annulation contre cette décision de refus dans un délai de deux mois.
Dans ce cas, le juge administratif doit vérifier si la fraude est caractérisée.
Si tel est le cas, il exerce un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation sur la décision de refus en tenant compte notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l’acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait :
“(…) 8. En second lieu, un tiers justifiant d’un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l’annulation de la décision par laquelle l’autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d’abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l’a saisie d’une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d’une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d’autre part, de contrôler que l’appréciation de l’administration sur l’opportunité de procéder ou non à l’abrogation ou au retrait n’est pas entachée d’erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l’acte litigieux, soit de son abrogation ou de son retrait.(…)” (CE, 20 novembre 2024, société Jardin Catalan, n°474904).
Au cas présent, le permis de construire avait été obtenu par fraude et le maire avait commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant le retrait de cette autorisation compte tenu des enjeux de sécurité publique en matière de risque d’inondation et de la gravité de la fraude.
Lors de l’élaboration d’un dossier de demande de permis de construire, il convient de porter une attention toute particulière à la réalité des indications qui figurent sur les pièces.
Si une omission, une erreur ou une contradiction n’entache pas à elle seule la légalité d’un permis de construire, elle est susceptible de caractériser une fraude si elle a eu une influence sur le respect d’une règle d’urbanisme.
Dans le cas où la fraude est caractérisée, le retrait n’est toutefois pas automatique si l’administration refuse de procéder à son retrait.