
Votre voisin souhaite utiliser temporairement votre terrain pour réaliser des travaux sur son bâtiment. Êtes-vous obligé de le laisser faire ? Le droit prévoit-il une obligation de passage ou pouvez-vous refuser cette servitude ?
Nous faisons le point sur la servitude de tour d’échelle et ses règles.
Le tour d’échelle est une création prétorienne qui consiste dans le droit, pour le voisin d’une propriété située en limite séparative, de disposer d’un accès temporaire à cette dernière, pour effectuer les travaux nécessaires à la conservation de sa propre propriété.
Une réponse ministérielle précise :
« […] Un tel droit ne peut en principe être accordé qu'afin d'effectuer des travaux d'entretien et de réparation indispensables pour sauvegarder un immeuble existant. Certaines décisions de première instance ont néanmoins pu reconnaître l'existence d'un droit d'échelle pour la réalisation de travaux de finition, comme le crépissage ou la pose d'un enduit, sur un ouvrage nouvellement construit. En outre, le demandeur doit justifier de l'impossibilité d'effectuer les travaux sans accéder au fonds voisin, cet accès ne pouvant être admis par pure commodité, ni même dans un objectif d'économie. A défaut d'accord entre les propriétaires, le juge détermine les modalités de passage, la marge d'empiètement et le temps d'intervention qui doivent être limités au minimum nécessaire. Par ailleurs, le propriétaire voisin qui subit le droit d'échelle est en droit d'obtenir l'indemnisation des préjudices causés par l'intervention (trouble de jouissance, dégradations éventuelles occasionnées à sa propriété) » (Rép. Min. n°98209, JOAN, 29 novembre 2016).
La servitude de tour d’échelle n’étant prévue ni par le code civil, ni par aucune loi particulière, ne saurait être considérée comme une servitude légale
La servitude de tour d’échelle peut être établie par voie conventionnelle ou par autorisation judiciaire en cas de désaccord.
Il convient préalablement de solliciter l’établissement d’une servitude de passage auprès de son voisin.
L’autorisation de passer sur un fonds peut, en cas d’accord avec le voisin, faire l’objet d’une convention qui prendra, en pratique, la forme d’un protocole d’accord.
Afin d’éviter tout contentieux ultérieur, il est recommandé d’y prévoir les modalités suivantes :
- La durée d’occupation du fonds voisin ;
- Les horaires de présence s de l’entreprise exécutant les travaux ;
- La superficie du terrain nécessaire à la réalisation des travaux ;
- Les dispositions prises par l’entreprise afin d’éviter les détériorations sur le fonds voisin ;
- Le montant de l’indemnité d’occupation versée au voisin pour le trouble de jouissance subi ;
- Le passage d’un commissaire de justice avant et après la réalisation des travaux, y compris la prise en charge des frais attenants ;
- La prise en charge des désordres le cas échéant afin de garantir la réparation de tout préjudice causé au fonds voisin.
En cas de refus du voisin d’accorder le tour d’échelle, il est possible de passer outre ce refus, par voie judiciaire.
Dans ce cas, il y a lieu préalablement de le mettre en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception, tout en lui proposant de convenir du versement d’une indemnité et de faire passer préalablement un commissaire de justice.
A défaut d’accord, le voisin peut saisir le tribunal judiciaire en référé pour obtenir le tour d’échelle par voie judiciaire.
Cette action en référé est prévue par l’article 834 du code de procédure civile.
En vertu des obligations normales de voisinage et, en cas de nécessité, le propriétaire d’un fonds peut être autorisé par le juge des référés à passer à titre temporaire chez son voisin afin d’effectuer les travaux indispensables dès lors que l’urgence est caractérisée et qu’il existe un différend entre les parties.
Les juridictions apprécient strictement les conditions dans lesquelles un droit d'échelle peut être reconnu.
En pratique, trois conditions sont requises pour solliciter l’établissement de la servitude de tour d’échelle :
- Caractère indispensable des travaux : pour justifier du caractère indispensable et urgent, les travaux doivent être indispensables pour permettre l’entretien ou la conservation une construction existante.
Sont ainsi par exemple indispensables à la conservation de la construction, la réalisation d’un crépi ou d’un enduit afin d’éviter des infiltrations d’eau (CA Nancy, 14 juin 2018, n°17/02060).
- Nécessité technique de passer sur le fonds voisin : pour justifier de la nécessité technique de passer sur le fonds voisin, il doit être impossible d’effectuer les travaux de chez soi, même au prix d’une dépense supplémentaire.
Autrement dit, l'accès chez le voisin suppose que toute tentative pour effectuer les travaux de chez soi, même au prix d'une dépense supplémentaire, se révèle impossible.
- Proportion entre la gêne provoquée et l’utilité des travaux : nonobstant les dispositions de l’article 544 du code civil, le propriétaire d’un fonds peut être autorisé, pour procéder à des travaux, sur le mur de son immeuble à passer par la propriété contiguë, dès lors qu’il n’en résulte pas une sujétion intolérable et excessive pour celui qui en jouit.
Les modalités de passage, la marge d’empiètement et le temps d’intervention doivent être aussi restreints que possible.
Si les conditions exposées précédemment ne sont pas remplies, le voisin peut légitimement maintenir son refus d’accorder une servitude de passage et se trouve, en conséquence, fondé à s’y opposer dans le cadre d’une action en référé.
Attention cependant, le refus par le voisin d’accorder un tour d’échelle peut être constitutif d’un abus de droit. Pour cette raison, il est essentiel que le voisin justifie son refus le plus en amont possible afin d’éviter tout litige ultérieur.
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