Dans une décision du 19 mars 2025, la Cour de cassation précise que l’expert judiciaire engage sa responsabilité, en raison du caractère hypothétique et imprécis de ses conclusions, « non étayées par des investigations sur la cause des désordres ».
L’occasion de revenir plus en détail sur la responsabilité de l’expert judiciaire dans l’accomplissement de sa mission.
L’expert judiciaire est désigné par le juge soit en référé (mesure d’urgence avant le procès) soit au fond (pendant le procès) afin de l’éclairer sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien (article 232 du code de procédure civile).
Une fois désigné, l’expert judiciaire doit accomplir sa mission « avec conscience, objectivité et impartialité » (article 237 du code de procédure civile).
A l’issue des opérations d’expertise, le rapport définitif de l’expert est déposé au greffe du tribunal.
Le juge n’est pas lié par les conclusions de l’expert (article 246 du code de procédure civile). Le rapport d’expertise sert souvent de base pour la décision judiciaire et est susceptible d’influencer l’appréciation des faits par le juge.
La question de la responsabilité de l’expert peut se poser lorsque celui-ci commet une erreur fautive et que ses conclusions sont reprises par le juge qui ignore l’existence de cette erreur.
La Cour de cassation a précisé que la responsabilité de l’expert à raison des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission est engagée conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile « qu’il en est ainsi même si le juge a suivi l’avis de l’expert dans l’ignorance de l’erreur dont son rapport, qui a influé sur la décision, était entaché » (Cass., civ. 2ème, 8 octobre 1986, n°85-14.201).
Dans sa décision du 19 mars 2025, la Cour de cassation rappelle que « l’expert judiciaire engage sa responsabilité à raison des fautes commises dans l’accomplissement de sa mission, conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile » (Cass. civ. 1ère, 19 mars 2025, n°23-17.696).
La Cour de cassation précise que le caractère hypothétique et imprécis des conclusions de l’expert, « non étayées par des investigations sur la cause des désordres » engage sa responsabilité, sans que le juge ne soit tenu d’ordonner une nouvelle expertise.
« 10. Dès lors que la cour d’appel a constaté que la juridiction saisie de l’action en garantie décennale avait rejeté la demande de Mme [L] en l’absence de preuve d’un dommage portant atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans le délai de dix ans et retenu que cette situation résultait pour partie du caractère hypothétique et imprécis des conclusions de l’expert, non étayées par des investigations sur la cause des désordres, elle a pu en déduire, sans être tenue d’ordonner une nouvelle expertise, que celui-ci avait commis une faute ayant fait perdre à Mme [L] une chance d’obtenir gain de cause en justice, souverainement évaluée à 40% » (Cass. civ. 1ère, 19 mars 2025, n°23-17.696).
La Cour de cassation rappelle que l’expert judiciaire a une grande responsabilité : ses conclusions doivent être claires, précises et basées sur des vérifications sérieuses. S’il se contente d’hypothèses ou de conclusions mal fondées, il peut être tenu responsable, surtout si cela nuit à une partie dans le cadre du procès.
Si vous êtes impliqué(e) dans une procédure avec une expertise judiciaire, nous vous recommandons d’être particulièrement attentif(ve) au déroulement des opérations et transmettre vos observations si le rapport vous semble incomplet ou contestable.