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Censure partielle de la loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement

23
/
11
/
2025
par
Axel Bertrand
Chapitres

La proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement adoptée par le Parlement avait été déférée au Conseil constitutionnel. 

Ce texte contient de nombreuses modifications du droit de l’urbanisme (voir notre article à ce sujet : Que prévoit la proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement ?).

Les auteurs de la saisine contestaient notamment la conformité à la Constitution des dispositions suivantes : 

  • La fin de la prorogation du délai de recours par recours gracieux ;
  • La cristallisation des règles d’urbanisme pour les permis modificatifs pendant 3 ans ;
  • La restriction de l’intérêt à agir contre les documents d’urbanisme ;
  • La suppression de l’encadrement de l’exception d’illégalité pour les SCOT et PLU.

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision : la plupart des dispositions contestées relevant du droit de l'urbanisme sont déclarées conformes à la Constitution (Décision n°2025-896 DC du 20 novembre 2025, Loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement).

Décryptage de cette importante décision et de ses conséquences. 

Validation de la fin de la prorogation du délai de recours par recours gracieux

Pour mémoire, l’article 26 de la proposition de loi prévoit de mettre fin à l’effet de prorogation du délai de recours par un recours gracieux via un nouvel article L.600-12-2 du code de l’urbanisme.

Le délai d’introduction d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique à l’encontre d’une décision relative à une autorisation d’urbanisme sera réduit à un mois.

Le silence gardé pendant plus de deux mois sur ce recours par l’autorité compétente valant décision de rejet.

Le délai de recours contentieux ne sera toutefois plus prorogé par l’exercice d’un recours gracieux ou d’un recours hiérarchique.

Le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution en ce que : 

  • le législateur aurait entendu “réduire l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction et prévenir les recours dilatoires”, poursuivant ainsi un objectif d’intérêt général ;
  • elles ne mettent pas en cause le droit d’agir en justice et ne privent pas de la faculté de former un recours contentieux ;
  • la circonstance que la réponse de l’autorité administrative intervienne au-delà de l’expiration du délai de recours contentieux est sans incidence sur la possibilité de déposer un recours contentieux

L'impact de cette modification sera à évaluer dans la pratique. Il nous semble qu'il existe toutefois un risque important pour que cela aboutisse à une systématisation du recours contentieux (voir à ce sujet notre article pour le Club des juristes : Vers une réduction des délais de recours contre les autorisations d’urbanisme ?). Ce qui irait finalement contre l'objectif poursuivi par ce texte. 

Le Conseil constitutionnel apporte de plus deux précisions importantes.

D’abord, il précise que ce mécanisme vaut pour toute « décision relative à une autorisation d’urbanisme ». Ce qui comprend non seulement les autorisations d'urbanisme, mais également les décisions de retrait d’une autorisation et les décisions de refus opposées à une demande d’autorisation.

L'effet de ce texte pourrait donc à nouveau être de systématiser le contentieux, là où les recours gracieux aboutissaient dans un nombre important de cas, notamment à la suite d'un refus.

Nous nous interrogeons de plus sur l'application de ces dispositions à d'autres décisions, par exemple une prorogation d'une autorisation, un refus de prorogation, un refus de retrait, ou encore à des arrêtés interruptifs de travaux ou des mises en demeure de régulariser.

Par sécurité, dans l'attente de précisions au contentieux, il nous semble qu'il faut considérer que toutes les décisions liées à une autorisation d'urbanisme sont concernées. 

Ensuite, le Conseil précise que ce mécanisme n’est applicable qu’aux seuls recours formés contre les décisions intervenues après l’entrée en vigueur de la loi. 

Les recours gracieux formés contre des décisions intervenues avant l’entrée en vigueur de la loi conservent donc leur effet de prorogation du délai de recours contentieux.

Validation de la cristallisation des règles d’urbanisme pour les permis modificatifs

Pour mémoire, l’article 23 de la proposition de loi prévoit un mécanisme intéressant de cristallisation des règles d’urbanisme pour la délivrance des permis de construire modificatifs et des permis d’aménager modificatifs.

Selon un nouvel article L.431-6 du code de l’urbanisme, une demande de permis de construire modificatif ne pourra être refusée ou assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues après la délivrance du permis initial, ce pendant une période de trois ans à compter de la date de délivrance du permis initial, à condition que le permis initial soit valide et que les travaux autorisés par ce permis ne soient pas achevés.

Réserve faite de dispositions d’urbanisme intervenues après la délivrance du permis de construire initial ayant pour objet de préserver la sécurité ou la salubrité publiques.

Il en ira de même pour les permis d’aménager modificatifs via un nouvel article L.441-5 du code de l’urbanisme.

Une demande de permis d’aménager modifiant un permis d’aménager initial en cours de validité ne pourra être refusée ou assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues après la délivrance du permis initial, ce pendant une période de trois ans à compter de la délivrance du permis initial, à condition que les travaux autorisés par le permis initial ne soient pas achevés.

Là aussi, réserve faite de dispositions d’urbanisme après la délivrance du permis initial ayant pour objet de préserver la sécurité ou la salubrité publiques.

Le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution. 

Il relève notamment qu’elles ne sont applicables à l’examen d’une demande de permis de construire modificatif “que si les travaux initialement autorisés n’ont pas encore été achevés”, pour une durée de trois ans à compter de la date de délivrance du permis initial.

Il ajoute que la cristallisation ne concerne que les règles d’urbanisme et ne fait pas obstacle à l’application des règles autres que d’urbanisme qui ont pour objet d’assurer la protection de l’environnement.

Validation de la suppression de l’encadrement de l’exception d’illégalité pour les SCOT et PLU

Pour mémoire, l’article 26 de la proposition de la loi supprime l’encadrement de l’exception d’illégalité des vices de forme et de procédure des SCOT et PLU prévu par l’article L.600-1 du code de l’urbanisme.

Selon ce dernier, l'illégalité pour vice de forme ou de procédure d'un SCOT ou d’un PLU ne peut être invoquée par voie d'exception après expiration d'un délai de 6 mois à compter de la prise d'effet du document en cause, sauf si le vice de forme concerne, soit la méconnaissance substantielle ou la violation des règles de l'enquête publique sur les SCOT/PLU, soit l'absence du rapport de présentation ou des documents graphiques.

Le Conseil constitutionnel a jugé cette suppression conforme à la Constitution en ce qu’elles ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif. 

Ces dispositions supprimées, le régime de droit commun de l'exception d'illégalité s’appliquera. 

A savoir que l’illégalité pour vice de forme ou de procédure d’un SCOT ou d’un PLU ne pourra plus être invoquée par voie d’exception. Il en ira de même pour l’acte prescrivant l’élaboration ou la révision d’un document d’urbanisme ou créant une ZAC.

Les vices de forme et de procédure entachant un acte réglementaire ne peuvent en effet être invoqués que dans le cadre du recours dirigé contre cet acte lui-même, introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux (CE, Assemblée, 18 mai 2018, Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT (CFDT Finances), n°414583).

Les requérants pourront toutefois toujours soulever ces vices dans le cadre d’un recours contentieux par voie d’action. 

Non-conformité de la restriction de l’intérêt à agir contre les documents d’urbanisme

Pour mémoire, l’article 26 de la proposition de loi prévoyait de restreindre considérablement la recevabilité des recours introduits contre les documents d’urbanisme.

Le texte prévoyait d’ajouter à l’actuel article L.600-1-1 du code de l’urbanisme qu’une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou un de leurs groupements ne serait recevable à agir contre la décision d’approbation d’un document d’urbanisme ou de son évolution que si elle a pris part à la participation du public effectuée par enquête publique, par voie électronique ou par mise à disposition organisée avant la décision contestée.

Le Conseil constitutionnel déclare ces dispositions contraires à la Constitution en ce qu’elles portent une atteinte disproportionnée au droit à un recours juridictionnel effectif.

Il relève que “le législateur a entendu limiter les risques d’incertitude juridique qui pèsent sur ces documents d’urbanisme et prévenir les recours abusifs et dilatoires” et a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général.

Ces dispositions, au demeurant imprécises, privent toutefois “la personne de la possibilité de former un recours direct même lorsqu’elle n’a pas pu avoir connaissance, au stade de la consultation du public, de l’illégalité éventuelle de cette décision, y compris lorsque cette illégalité résulte de modifications ou de circonstances postérieures à la clôture de la procédure de participation du public”.

Cette condition ne trouvera donc pas à s'appliquer. 

Conclusion

En dehors de la censure de la restriction de l’intérêt à agir contre les documents d’urbanisme, la plupart des changements apportés au droit de l’urbanisme prévus par la proposition de loi de simplification de l’urbanisme sont maintenus. 

Le Conseil constitutionnel a également censuré de nombreux cavaliers législatifs, notamment la possibilité donnée aux collectivité prévue par l’article 12 du texte de soumettre les changements de sous-destinations réglementées par le plan local d’urbanisme à déclaration préalable.

Prochaine et dernière étape : la promulgation de la loi et son entrée en vigueur.

ASTEN AVOCATS proposera très prochainement un décryptage de ce texte important.

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